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Commémoration du 30e anniversaire de la mort d’André Cools

Flémalle, le 18 juillet 2021.

Tout le monde, qui en a l’âge, se souvient de ce qu’elle ou il faisait le 18 juillet 1991, quand fut annoncée la mort d’André Cools. Il en est ainsi, souvent, des moments historiques et plus particulièrement encore des moments tragiques :

La tragédie de la mort criminelle d’André Cools ; 20 ans plus tard, le 11 septembre 2001, les attentats suicides à New-York, filmés en direct; et aujourd’hui, la tragédie que vivent des milliers de nos concitoyens, victimes de rivières devenus torrents et qui, dans des inondations ont perdu l’histoire d’une vie, les efforts d’une vie, quand ce n’est pas la vie tout court.

A toutes celles et tous ceux qui traversent ces immenses difficultés aujourd’hui, je veux dire toute ma solidarité et, j’en suis sûr, transmettre la vôtre.

Il est parfois triste de constater que la solidarité ne s’exerce presque que dans le malheur. Mais la manière dont cette solidarité s’est développée, spontanément, ces dernières heures, nous montre que l’individualisme forcené, l’ultra-libéralisme, n’ont pas totalement vaincu l’humain.

J’imagine aisément, en de pareilles circonstances, comment la force mobilisatrice d’André Cools se serait immédiatement mise en mouvement, comme l’a  d’ailleurs fait, très vite, SA commune de Flémalle sous la conduite de sa bourgmestre Isabelle Simonis. Comment, au-delà du territoire flémallois, il aurait secoué les uns et les autres pour porter secours et assistance aux sinistrés, qui souvent, habitent des quartiers populaires qui ne sont pas forcément les plus favorisés.

30 ans donc qu’André Cools a été assassiné. 30 ans qu’à Flémalle et ailleurs, mais à Flémalle plus qu’ailleurs, sa disparition reste comme une plaie béante.

C’est que le maître de Flémalle entretenait avec sa commune natale un lien viscéral. Ce n’est pas un hasard si, après avoir décidé de quitter les enceintes parlementaires, il resta jusqu’à son dernier souffle bourgmestre de Flémalle.

Ce n’est pas de cette histoire d’amour-là, entre André et Flémalle, dont je vais vous entretenir. Avant que Maurice et que Marie-Hélène ne s’adressent à vous, c’est Cools le Wallon, je dirais même le Wallonissime, que je vais évoquer.

L’histoire est ainsi faite qu’une commémoration peut en appeler une autre.

Voici quelques mois à peine, nous avons célébré, trop peu nombreux et trop discrètement, pour ne pas dire distraitement, à mon goût, le soixantième anniversaire de la grande grève, celle de l’hiver 60-61.

Si cette grève se solda par une défaite syndicale, la Loi unique contre laquelle s’était déclenché la grève fut finalement votée, elle n’en constitue pas moins un acte politique fondateur : celui de la prise de conscience de la Wallonie qu’elle ne s’en sortira désormais qu’en comptant sur ses propres forces. Le Mouvement Populaire Wallon, émanation directe de la grève, sera le porte-voix de cette prise de conscience.

Vingt ans plus tard, André Cools, dont le parcours politique a été fortement imprégné de cet hiver 60-61, était lâchement assassiné.

André Cools, député depuis deux petites années – il a succédé à François Van Belle, militant wallon avéré – sera en effet, dès les premiers instants, aux côtés d’André Renard et le restera les 34 jours que durera la grève.

Un témoignage permet de situer la proximité entre les deux hommes : celui de Daniel Renard, fils d’André, qui se souvint qu’en décembre 60, lors du déclenchement de la grève, alors que la sécurité du leader métallo était menacée, il vit débouler chez lui, comme Zorro, André Cools, mandaté pour assurer sa protection et celle de sa maman.

En réalité, le combat régionaliste résonne en André Cools depuis plusieurs années déjà. En 1945, il assiste au Congrès national wallon de Liège qui se clôture sur une revendication fédéraliste ferme. En 1949, il est membre de Wallonie Libre. Les manifestations contre le retour de Léopold III, alors qu’il accomplit son service militaire, renforce ses convictions fédéralistes.

Mais c’est avec André Renard qu’il forge définitivement une conviction qui ne l’abandonnera jamais : celle de la nécessité du combat wallon. Il adhère au MPW dès sa création.

Il fait partie de ce qu’on appellera les douze rebelles qui, au PSB alors dans la majorité, refusent de voter un projet de loi sur le maintien de l’ordre. Il subit pour cela, avec Terwagne, Glinne, Hurez et les autres, des mesures disciplinaires dans son parti. Mais résister à son parti n’est pas nécessairement le trahir.

Quand en 1964, il quitte le MPW sur ordre du PSB qui a prononcé l’interdiction de la double appartenance, il reste au parti pour y mener le combat wallon.

Quatre ans plus tard, il entre au gouvernement et le PSB, qui voici peu, traquait et punissait les régionalistes, y envoie des fédéralistes pur jus : Merlot, vice-premier, Terwagne, aux Relations communautaires, et Cools au Budget, les deux derniers figuraient au rang des rebelles et étaient membres du MPW.

A la suite du décès de JJ Merlot, André Cools, qui se revendique ministre wallon et non pas ministre francophone, devient vice-premier du gouvernement conduit par Gaston Eyskens, père de la Loi unique, un gouvernement qui introduit dans la Constitution les principes de réformes institutionnelles instaurant le fédéralisme en Belgique. Avec Terwagne, il a obtenu la loi de décentralisation économique, la création du conseil économique régional, la procédure de la sonnette d’alarme et la promulgation du fameux article 107 quater dans la Constitution. Article qui ouvre la voie à la transformation de la Belgique d’État unitaire en État fédéral.

Devenu coprésident du PSB, André Cools se dit favorable à un régionalisme radical proche d’une forme de confédéralisme.

Il contribue à la deuxième réforme de l’État qui crée les communautés et les régions disposant d’un exécutif et d’une assemblée légiférant par décret.

En 1977, il fait de la régionalisation la condition sine qua non de la participation du PSB, toujours unitaire, au gouvernement. Le PSB, qu’il co-préside avec Karel Van Miert, vit ses derniers moments. En 1978, il laisse la place au PS et au SP. Sans la moindre surprise, André Cools est le premier président du PS.

En 1982, il devient président du Conseil régional wallon, deuxième président de l’assemblée qui préfigure le Parlement de Wallonie, après Léon Hurez, autre rebelle. Depuis la tribune, il invite à aller plus loin encore sur la voie du fédéralisme et de l’autonomie régionale, et réclame l’installation de l’Exécutif à Namur. Il sera, lors de son dernier mandat ministériel, le premier à installer son cabinet à Namur.

La fin des charbonnages, le recul, déjà, de la sidérurgie, la décision de la Générale de Belgique de désinvestir en Wallonie et de saborder Liège, pour des raisons purement politiques, en sacrifiant la Vieille Montagne, Cuivre et Zinc, la FN après avoir siphonné la sidérurgie pour transférer les revenus de Cockerill vers Gand et créer Sidmar, décuple, si besoin était, sa conviction que les Wallons, et plus spécifiquement les Liégeois, ne peuvent et ne doivent compter que sur eux-mêmes pour assurer un avenir meilleur.

Il crée Neos en décembre 1989. Les statuts de la société anonyme Compagnie financière et industrielle Neos précisent que « la société a pour objet de promouvoir l’industrie et les entreprises de services, en prenant des participations ou d’intervenir sous forme de prêts ou d’autres manières… ». André Cools en prend la présidence.

L’initiative industrielle publique, si l’expression n’est pas utilisée dans l’acte fondateur, est bien le moteur de Neos. Il suffit de regarder ses actionnaires : Smap, ALE, ALG, Crédit communal, CILE, AIDE, Association intercommunale de mécanographie.

Le projet, clair, de Neos, en dépit des procès en sorcellerie et autres accusations d’opacité, était de mobiliser les opérateurs publics au profit de l’économie publique.

Alors que la Région wallonne vient de créer les invests, dont Meusinvest où Cools est administrateur, Neos va agir en complémentarité avec celle-ci. Notamment pour que les projets de redéploiement économique du bassin liégeois soient définis et arrêtés à Liège et non pas ailleurs, au Hainaut par exemple.

C’est ainsi que naît la SAB, la Société de développement de l’aéroport de Bierset, devenue au fil du temps Liège Airport.

Si j’ai retracé à grands traits cette double implication d’André Cools pour le fédéralisme et pour le redéploiement liégeois, c’est parce qu’ils constituent la colonne vertébrale de son action politique qu’il n’a jamais départie d’une autre double caractéristique : un attachement sans faille aux valeurs de gauche, avec une attention permanente aux plus démunis, assorti d’un pragmatisme qui en a défrisé plus d’un. Alors que pour lui, il ne s’agissait jamais que d’arriver au résultat quitte à troubler, ça et là, les gardiens d’un temple immobile, toujours plus prompts à commenter qu’à agir.

Je n’étais pas un proche d’André Cools. Je ne vais pas jouer les révisionnistes et me revendiquer de son premier cercle. Même si c’est à lui que je dois d’être entré en politique. Pas comme militant, je l’étais avant de le connaître, mais comme acteur au niveau ministériel puisque c’est lui qui m’envoya, en 1988, au cabinet de Willy Claes, devenu ministre des Affaires économiques, en tant qu’expert pour y veiller aux intérêts liégeois et plus spécifiquement au dossier de la sidérurgie sur laquelle planait, déjà, de noirs nuages après une première tempête dans les années septante et le début des années quatre-vingts.

Pas question donc, pour moi, de parler d’héritage. D’abord à cause de la personnalité hors norme d’André Cools. Ensuite parce que, les décennies passant, les paramètres politiques ont forcément évolué.

Il n’empêche que le double engagement d’André Cools pour une Wallonie maîtresse de son destin et pour le redéploiement économique de la région liégeoise, au service du bien-être de l’ensemble de la population et singulièrement de la moins favorisée, ont inspiré toute mon action politique et continuent de le faire.

La sidérurgie, qui était la colonne vertébrale de l’économie du bassin liégeois, a poursuivi sa mutation et son déclin.

La fermeture de la phase à chaud, à Flémalle, comme à Seraing, comme dans l’ensemble du bassin, a signifié, pour beaucoup, la fin d’une époque. Une fin que tous redoutaient depuis longtemps mais dont nous devions autant que faire se peut atténuer progressivement les conséquences funestes.

Neos n’avait d’autre but. Le plan Marshall et les pôles de compétitivité que j’ai installés ont suivi la même logique, la même nécessité : faire entrer la Wallonie dans une économie post charbon et acier.

Cette transformation ne se fait pas et ne se fera pas en un claquement de doigts. Nous, Wallons, n’avons pas eu et n’aurons pas que des alliés pour mener à bien cette indispensable évolution.

C’est là tout le sens et toute la nécessité du combat wallon. 75 ans après le congrès wallon de Liège, 60 ans après la grande grève, 50 ans après l’adoption du 107 quater, 30 ans après la mort d’André Cools, le combat wallon reste d’une furieuse actualité.

Pour assurer le développement de notre région, pour que la Wallonie puisse permettre à toutes celles et tous ceux qui y vivent de le faire dignement, de s’épanouir, de réaliser leurs rêves, notamment en ayant accès à un travail de qualité, ce qui implique un salaire décent, il faut que la Wallonie dispose des leviers aussi essentiels que sont la culture et l’enseignement.

L’avenir d’un territoire et de sa population ne peut faire l’impasse de ces compétences parce qu’elles sont intimement constitutives du cadre de vie, au même titre que l’aménagement du territoire par exemple.

Cela ne signifie pas, comme le répètent en boucle les conservateurs qui, pour des raisons aussi diverses que la poursuite d’intérêts particuliers ou un aveuglement belgicain, que nous voulons nous refermer sur nous-mêmes, nous racrapoter.

Au contraire, la Wallonie a toujours été ouverte sur le monde et continuera de le faire, de manière aussi décomplexée que conquérante.

N’ayons pas peur de notre ombre.

Osons affronter demain, sans prétention, mais avec détermination, conscients des atouts qui sont les nôtres.

Regardons avec confiance tout ce qui se fait chez nous, ce qui s’y crée et s’y développe. Ils sont nombreux nos nouveaux Rennequin Sualem, Zénobe Gramme, John Cockerill, Edgard Frankignoul. Je pourrais, pareillement, citer Henri Vieuxtemps, Georges Simenon, Henri Pousseur ou Georges Collignon.

Je le répète, la renaissance de la Wallonie se fera ouverte sur le monde. Elle devra aussi coaliser nos énergies et nos envies. Et ce qui est vrai pour la Wallonie l’est plus encore pour Liège et sa région.

Nous disposons d’atouts extraordinaires: une situation exceptionnelle, un réseau de communications hors normes, une université complète, des hautes écoles de qualité, une main-d’œuvre au savoir-faire reconnu de par le monde, une culture du dialogue social.

Nous avons aussi, ici, une tradition d’initiative industrielle publique, ce n’est pas Isabelle, la présidente de Resa, qui me contredira. Mais il ne faudrait pas que les errements inadmissibles, pour le dire gentiment, de certains offrent à d’autres la possibilité de tout jeter et de transférer, hors du giron public et hors de Liège, les décisions qui nous incombent et nous reviennent.

Noshaq, dans la droite lignée de Meusinvest et aussi de Neos, est un outil extraordinaire au service du redéploiement liégeois.

En nouant des partenariats entre public et privés dans les secteurs d’avenir, comme les biotechnologies ou le numérique de pointe, Noshaq se pose comme un moteur d’avenir que n’aurait certainement pas renié André Cools.

Lui qui doit sans doute y aller d’une de ses mémorables saillies en se remémorant les défaitistes et autres oiseaux de mauvais augure qui dénonçaient la folie de faire de Bierset un des pôles majeurs du développement du bassin liégeois.

Mais il était plus simple, déjà, de critiquer que d’agir.

Cela n’a pas forcément changé mais l’exemple que nous a laissé André doit nous convaincre et nous contraindre à mettre nos pas dans les siens.

A avancer contre vents et marées.

Et à privilégier, toujours, l’intérêt collectif aux intérêts particuliers.

 

« L’espérance n’est rien sans la volonté humaine qu’il faut transformer en volonté politique », a dit François Mitterrand à ses ministres lors du dernier conseil des ministres du gouvernement de gauche.

André Cools, j’en suis sûr, aurait pu faire siennes les paroles de Mitterrand.

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