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À la tribune du Parlement

Fêtes de Wallonie 2022

Quel que soit le territoire de référence que l’on choisisse, une évidence s’impose. Impossible en effet de ne pas constater que nous traversons des turbulences importantes. La Covid a secoué la planète et,  dans une mesure moindre, continue à le faire. L’Europe, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, a vu deux États se faire la guerre, l’un  subissant l’agression d’un autre. Un été particulièrement sec, faisant suite, chez nous, en Wallonie, à l’été précédent qui avait vu des trombes d’eau s’abattre avec les conséquences mortifères et désastreuses que l’on sait, et qui montre, que ce soit  ici comme ailleurs, que les changements climatiques bouleversent notre cadre et nos conditions de vie.

L’explosion du coût de l’énergie, les difficultés d’approvisionnement en matières et matériaux ont alimenté le retour de l’inflation et plongé la population, et d’abord et avant tout, la partie la plus fragile de la population mais pas seulement, dans des difficultés bien souvent inextricables. Avec la pauvreté qui s’étend insidieusement, insupportablement.

Avec le sentiment d’abandon, de relégation chez celles et ceux qui n’y arrivent plus.

Nous savons que la situation budgétaire est difficile, doux euphémisme. La crise sanitaire et les inondations de juillet 2021 sont passées par là et voilà qu’aujourd’hui le prix de l’énergie s’envole. Gouverner c’est prévoir dit-on toujours mais c’est aussi, et peut-être avant tout, choisir.

Et la situation budgétaire oblige, plus que jamais, à faire des choix. Pour aider celles et ceux en proie aux pires difficultés, qu’ils soient travailleurs, étudiants, retraités, sans emploi mais aussi qu’ils soient artisans, commerçants, dirigeants de PME, ou même les grandes entreprises.

J’entends des Cassandre gloser sur les finances de la Wallonie. Personnellement, je dois vous dire à quel point je suis choqué de voir une banque donner des leçons, elle qui n’existe que par le sacrifice des Belges qui y ont perdu leurs économies, qui, par l’incurie de ses dirigeant, a conduit la Wallonie à perdre des centaines de millions d’euros et qui a été sauvée par de l’argent public. Il est inacceptable qu’une banque publique se permette ce type de commentaire.

Certains, francophones parfois et surtout francophones peut-être, se réjouissent de cette situation budgétaire difficile.

Je voudrais exprimer mon soutien au gouvernement dans sa volonté de faire une distinction forte entre les dépenses non récurrentes, dites one shot, et les dépenses récurrentes.

Mais pour arriver à surmonter les difficultés que rencontre notre Région, il est plus que jamais indispensable de renforcer son potentiel économique. Et cela doit être le cœur du plan de relance.

On a assez reproché à l’Objectif 1 d’avoir utilisé des moyens dans la construction de ronds-points pour éviter de commettre à nouveau cette erreur.

Peut-être par péché d’orgueil, je continue à penser que les pôles de compétitivité doivent être au centre du redéploiement économique de la Wallonie, lié à la transformation climatique. L’Europe, qui avait considéré qu’il s’agissait là d’une spécialisation intelligente, ne disait pas autre chose.

Le succès est certes affaire de stratégie, de priorités mais aussi de ressenti. Aujourd’hui, en Wallonie, toutes les sous-régions n’ont pas le sentiment d’être pareillement traitées. J’appelle le gouvernement à être attentif à cet égard.

L’économie n’est pas le seul moteur du développement social mais, comme toute condition nécessaire qui n’est pas suffisante, il est nécessaire.

L’économie est le moteur central de toute transformation de la société et si nous voulons assurer le développement et l’épanouissement de chaque femme et de chaque homme, il faut, pour ce faire, leur assurer un développement personnel qui leur permette de vivre dignement.

La Wallonie, comme nous le savons tous, n’est pas une île. Ni au sens géographique du terme ni au sens figuré. Une série de réponses indispensables pour éviter qu’une part considérable de la population ne sombre dans la misère ou dans le ressentiment et que notre tissu économique ne s’effiloche doivent se déployer sur un espace plus large.

Mais cela ne dispense pas la Wallonie, les Wallonnes et les Wallons, de saisir les leviers sur lesquels ils ont prise et de construire un avenir collectif nourri de résilience, d’enthousiasme, d’opiniâtreté. Et de solidarité.

Sans cet engagement, sans la confiance collective qui doit habiter la Wallonie et ses citoyens, nous ne pourrons aller de l’avant.

La Wallonie a connu et connaît toujours des moments difficiles, où son avenir lui a été volé. Mais rien, absolument rien n’est irrémédiable. Churchill a dit, dans une version personnelle de l’aphorisme de George Santayama qu’« un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ». Je souscris totalement à cette réflexion.

Il y a 110 ans et une poignée de semaines, c’était le 7 juillet 1912, se tenait le premier Congrès national wallon. La principale question qui y fut en débat, alors qu’était dénoncé le fait que l’argent de la Wallonie prospère soit surtout consacré à doter la Flandre d’infrastructures routières, ferroviaires et portuaires au détriment de l’amélioration des infrastructures économiques wallonnes, fut celle de la séparation administrative de la Flandre  et de la Wallonie. En adoptant cette revendication, le Congrès wallon, et c’était une première, se prononçait pour le fédéralisme . Les Wallons revendiquaient ainsi le droit à leur existence propre, au-delà de toute lutte contre le flamingantisme.

Aujourd’hui, le temps est venu pour la Wallonie de s’assumer pleinement.

Non pas en fonction de tel ou tel voisin, de telle ou telle orientation prise par d’autres,  de telle ou telle stratégie dictée par des intérêts qui peuvent être contradictoires avec les siens. Et encore moins contre tel ou tel. Mais pour la Wallonie et ses citoyens.

Je le précise d’emblée car j’entends déjà certains, peut-être parce qu’ils craignent d’avoir moins d’emprise ou peut-être par peur d’eux-mêmes ou que sais-je encore, s’assumer pleinement, pour moi, c’est aux antipodes de se racrapoter sur soi, de s’auto-centrer, de s’auto-congratuler.

Au contraire, c’est regarder haut et loin, se tourner vers le monde, y puiser ce qui devra contribuer au bonheur et à la qualité de vie des Wallonnes et des Wallons. Et pour ce faire, il faut oser : oser le pari de l’avenir, sans œillères et sans faux fuyants, oser le pari de relever les défis  – et non seulement tant pis mais au contraire tant mieux s’ils sont ambitieux -, oser la Wallonie pour et par elle-même.

Au cours des derniers mois, j’ai eu l’occasion de porter la parole du Parlement de Wallonie en différentes contrées. Et, pour ne prendre que quelques exemples, tant au Québec qu’en Suède ou aux États-Unis, j’ai été frappé par le sentiment de fierté de leurs racines affiché par les Wallonnes et les Wallons de l’étranger.

Ces enfants ou petits-enfants, ou d’une lignée parfois plus longue encore, parlent de la Wallonie avec un enthousiasme qu’on voudrait voir partagé par toutes et tous, ici, un enthousiasme qui n’a rien de nostalgique ou de passéiste.

Certains n’ont jamais mis un orteil entre Haine et Vesdre ou entre Dyle et Semois, mais ils savent ce que ce petit coin du monde, ouvert sur le monde, a fait et peut faire demain. Ils savent les valeurs qui coulent dans ses veines, la chaleur, la créativité, le courage de celles et ceux qui l’habitent.

La Wallonie mérite qu’on s’y intéresse pour elle-même, pas en tant qu’institution – une institution n’est jamais qu’un instrument, qu’un cadre défini pour être le plus efficace possible – mais en tant que collectivité humaine.  Je le dis sans ambages, la Wallonie, définie comme telle, doit ainsi prendre toute sa place dans la tectonique belge mais doit aussi se décorseter d’une imagerie d’un autre temps.

Ainsi, doit-on pouvoir fêter la Wallonie en tant que telle et non pas en référence à une révolution brabançonne qui ne correspond ni à son histoire, ni à son aspiration.

D’autant que cette célébration fluctue d’une date à une autre, mais toujours dans les parages et en  souvenir d’une commémoration belge, pour ne pas dire belgicaine, qui renvoie à une conception de l’histoire belge centrée principalement, comme l’a écrit Hervé Hasquin, sur le comté de Flandre et sur l’exaltation de la grandeur des ducs de Bourgogne et leur entreprise d’unification.

Dès 1939, l’historien liégeois  Léon-Ernest Halkin, exprimait la même chose avec d’autres mots. « Le simplisme, écrivait-il,  comme en toutes choses, connaît des succès faciles. Chez nous, en Wallonie, l’enseignement de l’histoire ne peut satisfaire ceux qui, parmi les Wallons, sont rétifs au simplisme de règle ».

Occulter l’histoire de la Wallonie et de ses habitants revient donc à les anesthésier, à accepter le sort qui leur a été réservé délibérément, à saper l’esprit et l’envie d’affranchissement et de confiance retrouvée.

Or, pour remédier à ces manques, il est plus que jamais nécessaire de se fonder sur ce qui essentiel à toute société humaine.

L’enseignement donc, la grande affaire !

L’école, c’est apprendre à apprendre : ce qui permettra de se réaliser d’être autonome et responsable , notamment en acquérant des connaissances qui donnent accès à l’emploi, mais cela commence par apprendre qui on est, d’où on vient, où on vit.

C’est apprendre à se connaître pour mieux découvrir l’autre.

Savoir où on veut aller, est une chose. Savoir comment y aller en est une autre et pour cela il est indispensable de savoir d’où l’on vient.

« Je suis né quelque part, laissez-moi ce repère ou je perds la mémoire » chante Maxime Le Forestier.

Oser aborder l’enseignement, qui plus est en se revendiquant Wallon, est souvent considéré soit comme une provocation voire comme une déclaration de guerre soit comme une ineptie. Alors qu’il s’agit ni plus ni moins de l’avenir de nos enfants et, partant, de la société dans laquelle nous vivons et nous allons vivre.

Va-t-on continuer à nous enfouir la tête dans le sable ou à tourner la tête et regarder ailleurs parce qu’aborder ce sujet essentiel pourrait conduire à mettre à mal l’institution qui en a la compétence ?

Au moment où notre région souffre de métiers en pénurie, personne ne comprendrait que l’articulation entre enseignement et formation professionnelle voire les mécanismes de remédiation ne soient pas mieux articulés. Il est essentiel de rendre les filières techniques attractives !

Au risque de me répéter, une institution n’est jamais qu’un instrument au service des citoyens et de la citoyenneté. Et que cette institution redoute un avenir budgétaire aussi incertain qu’aléatoire n’a rien de réjouissant.

D’aucuns glorifient l’identité, parce qu’ils veulent y voir l’arme absolue du repli sur soi. C’est, au contraire, une force incroyable d’ouverture, de respect de l’identité de l’autre, du refus de l’anonymat qui broie, qui émascule la pensée, qui réduit les êtres humains à des consommateurs-producteurs de biens matériels et rien que cela.

Or l’identité est la résultante du territoire et de la culture. Le territoire, l’endroit où l’on vit; avec ses spécificités propres, qui dépendent de sa géologie, de son hydrographie, des transformations que les hommes, génération après génération, lui ont apportées.

Et notamment à travers leurs activités économiques qui ont aussi contribué à lui forger son caractère, à lui dessiner sa personnalité, à l’inscrire dans l’histoire.

Le territoire est indissociable de la culture.  Donc de la langue et de l’histoire sociale qui s’y est développée. Nous sommes des Wallonnes et des Wallons, par la langue commune que nous partageons – même si la francisation s’est opérée en brimant les langues régionales-, et par la conscience sociale et le goût de la liberté que nous avons depuis très longtemps chéris.

Voilà pourquoi nous devons célébrer la Wallonie pour ce qu’elle est et non pas en comparaison et encore moins au service de quiconque.

La Wallonie mérite notre attention et notre affection pour ce qu’elle est.

C’est pourquoi, et j’en terminerai par cela, je propose, au-delà de l’acte purement symbolique, qu’après l’avoir dotée d’un cadre institutionnel qu’il convient, vous l’aurez compris, de compléter et de renforcer, que nous posions un acte d’appartenance collective fort par l’adoption d’une date à laquelle, de Mouscron aux Fourons, d’Arlon à Nivelles, toutes celles et tous ceux qui vivent en Wallonie pourraient fêter celle-ci et en être fiers.

Et pourquoi pas, alors, lancer un appel auprès de la population pour proposer une date qui, par son caractère allégorique renverrait vers l’ensemble de la collectivité wallonne.

Les différentes propositions pourraient ensuite être discutées et analysées par une commission ad hoc du Parlement de Wallonie, assistée de personnalités – historiens, sociologues ou citoyens – qui arrêterait un choix que devrait évidemment sanctionner le Parlement en une séance riche de sens.

Aujourd’hui comme hier, la créativité, l’innovation, la recherche sont autant de qualités bien vivaces en Wallonie. Raison de plus pour les révéler aux  Wallonnes et aux  Wallons qui doutent, à tort, de leurs capacités et que nous devons encourager et aider à éclore et à se concrétiser auprès de celles et ceux qui parfois, trop souvent encore, se heurtent à une certaine frilosité ambiante.

Vive la Wallonie ! Vive la Liberté !

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