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Intervention de Jean-Claude Marcourt dans le cadre de la journée open access du 22 octobre 2015.

C’est avec plaisir et beaucoup d’intérêt que j’ai accepté l’invitation à participer à la journée Open Access organisée ce 22 octobre 2015 en coopération entre la Bibliothèque Interuniversitaire de la Communauté française de Belgique et les Universités flamandes dans le cadre de l’Open Access week internationale.

Il me semble, en effet, particulièrement pertinent de poser une fois encore la nécessaire question de l’Open Access dans le cadre d’une rencontre entre les mondes de la recherche du Nord et du Sud du pays, entre chercheurs, financeurs, bibliothécaires et éditeurs.

En 2015, c’est plus de 12 Millions d’euros que nos universités auront dépensé pour acquérir de la documentation scientifique. Une somme qui augmente chaque année d’environ 5% ! Inexorablement… Un gigantesque flux financier, destiné à la recherche, largement financé par le contribuable, mais qui quitte le monde de la recherche… Combien cela représente-t-il de postes de chercheurs?

Je sais pourtant les efforts de nos bibliothécaires qui, au travers de la BICfB notamment, déploient toute leur énergie pour tenter de juguler ces prix en s’associant en consortium et en tentant de négocier au mieux avec les éditeurs.

Cette  documentation scientifique est indispensable pour permettre une recherche de haut niveau comme celle que l’on est en droit d’attendre de nos universités. Elle en est le matériau de base, le substrat sans lequel la science actuelle ne saurait se construire. Le chercheur n’est évidemment pas ce cerveau isolé qui découvre seul, gambadant sur son propre génie. Le chercheur construit son apport à la Science en se basant sur la somme des connaissances déjà accumulées par ses prédécesseurs et par ses pairs, dans un dialogue permanent construit à travers les publications et les communications scientifiques. C’est l’indispensable développement du tissu scientifique.

Cette recherche universitaire de haut niveau en Fédération Wallonie-Bruxelles est essentielle. Non seulement pour permettre aux universités de tenir leur rang dans un paysage international de recherche et d’enseignement universitaire de plus en plus compétitif mais aussi pour permettre à nos entreprises de relever le défi de l’innovation et de la créativité. Pour leur permettre de développer les nouveaux produits, les nouveaux services dont notre société a et aura besoin.

Si nous voulons construire une Wallonie, une Fédération Wallonie-Bruxelles qui gagnent, nous n’avons comme atout qu’une seule matière première, nos cerveaux avec notre volonté de chercher, découvrir, créer et entreprendre. Pour alimenter ces cerveaux, la documentation scientifique la plus riche et la plus actuelle est indispensable.

Malheureusement, de grands acteurs, principalement internationaux, ont parfaitement compris cette dépendance totale de la recherche à l’information scientifique. Ils ont aussi compris que non seulement sans ce suc vital, la recherche ne peut se développer, mais, que pour créer son Curriculum Vitae, pour avoir quelque chance de pouvoir poursuivre sa carrière de chercheur et de réaliser ses rêves, le chercheur doit non seulement lire et publier mais il doit le faire dans ce que d’aucuns considèrent comme « les meilleures revues ». Et ce, quel que soit leur prix !

La poule aux œufs d’or, pour ces acteurs qui, au travers de mécanismes de concentrations et de rachats massifs de titres, ont alors créé et renforcé un marché parfaitement captif où les lois de la concurrence ne jouent pas. Ils sont devenus des monopoles de fait. Et cela à l’échelle planétaire. Pour pouvoir survivre au niveau scientifique, les universités n’ont pas d’autre choix que de payer pour une publication sous un titre prestigieux, quels qu’en soient le prix et l’escalade des augmentations imposées. Et pourtant l’essentiel du travail, de l’écriture de l’article à la révision de celui-ci par les pairs ainsi que la direction des revues elles-mêmes, est réalisé parfaitement gratuitement par les chercheurs eux-mêmes.

Plus aucune université dans le monde ne peut se payer l’ensemble des ressources documentaires dont ses chercheurs et ses étudiants ont besoin. Même Harvard a dû procéder à des désabonnements importants ! Nos universités ne peuvent pas suivre.

Il n’est pas normal que les résultats de la recherche scientifique largement subventionnée par des fonds publics soient ainsi confisqués pour n’être restitués que contre monnaie trébuchante. Il n’est pas normal que les pouvoirs publics doivent payer deux fois la même chose : payer pour produire la recherche puis payer pour pouvoir accéder aux résultats de cette recherche. Il n’est pas normal que la sélection des équipes de recherche se fasse non pas uniquement sur leurs compétences et leur créativité scientifique mais sur les capacités financières de leurs institutions à leur fournir l’accès aux documents scientifiques dont ils ont besoin. Il n’est pas normal, face aux défis majeurs auxquels est confrontée notre société, que le développement du savoir soit handicapé, ralenti parce que des cadenas financiers ont été placés sur la publication scientifique, au seul profit de quelques-uns.

De plus en plus d’institutions, d’organismes internationaux, d’Etats l’ont compris. Partout dans le monde, une même volonté se fait jour, celle de sortir de cet engrenage infernal et de libérer les publications scientifiques. Les rendre ouvertes à tous, sans aucune barrière financière. L’Europe notamment, avec ses Recommandations dans le cadre d’Horizon 2020, a montré la voie, dans la même ligne d’ailleurs que le Président Obama qui a imposé que toutes les recherches financées par une des agences de financement américaines soit rendues librement accessibles éventuellement après un délai limité. La France, à travers sa très large consultation populaire toute récente sur un cadre législatif  « Pour une République numérique » a inclus un projet d’article de loi sur le « Libre accès aux publications scientifiques de la recherche publique » ainsi que d’autres sur l’open data. D’autres pays encore … aujourd’hui avancent dans cette voie.

Cette volonté d’une science ouverte n’est pas seulement au bénéfice de la recherche et des fonds publics. Parmi les bénéficiaires, Il y a bien sûr le simple citoyen, le contribuable qui en définitive a financé cette recherche, recherche qui aujourd’hui lui reste largement inaccessible, le forçant à se contenter de ce qu’il trouve sur Internet, trop souvent envahi d’informations dont la validité scientifique n’est pas assurée…

Une science ouverte génère aussi de nouvelles et formidables opportunités pour nos entreprises, en particulier les PME, incapables de se payer de tels accès à la littérature scientifique et qui elles aussi doivent se contenter de quelques miettes disponibles en dehors de l’armoire. Quel formidable potentiel d’innovation et, dans la foulée, de partenariats avec nos labos universitaires, trouveront-elles si d’un clic et sans entrave elles peuvent accéder aux travaux les plus avancés publiés par nos chercheurs.

Ce défi d’une science ouverte, la Fédération Wallonie-Bruxelles entend, elle aussi, le relever, dans la ligne de la déclaration de Bruxelles signée par la FWB en octobre 2012, dans la ligne aussi  de ce que j’avais déclaré lors de la table ronde de septembre 2013 organisée en l’honneur de la remise des insignes de docteur honoris causa de Stevan Harnad à Liège. La Fédération Wallonie-Bruxelles entend s’inscrire dans la foulée des initiatives et des mandats décidés par nos universités et le FRS-FNRS et les renforcer. La FWB entend faire en sorte que l’accès ouvert devienne la norme le plus rapidement possible. La FWB entend mettre en œuvre les recommandations d’Horizon 2020. La FWB entend mettre en place tous les mécanismes nécessaires pour permettre au chercheur, au moins pour tous ses articles et actes de conférence, d’en déposer une copie en accès ouvert, sans contrainte d’accès, et ce dès acceptation de publication, ou, au maximum – par exemple – dans un délai de 6 mois en sciences, sciences de l’ingénieur et sciences de la santé, 12 mois en sciences humaines.

Il ne s’agit en rien de mettre à mal la brevetabilité de recherches. Nous parlons ici de ce qui est publié. Donc rendu public … Ou autrement dit, devrait l’être théoriquement du moins, si ces barrières financières n’existaient pas.

Nous devons mettre en place les conditions qui garantissent au chercheur que ses recherches puissent être aisément visibles du monde entier, sans aucune contrainte, ouvertes.

J’entends aussi lancer une réflexion et collaborer pour trouver des solutions à la problématique complémentaire dans le cadre d’une science ouverte : l’ouverture des données de la recherche, l’Open data.

C’est la direction que la FWB veut prendre pour renforcer sa recherche universitaire, lui donner une visibilité maximale et garantir un prolongement sociétal le plus large et le plus efficace possible de ce qui se découvre tous les jours dans nos labos. Nos universités ne sont pas et ne peuvent pas être des tours d’ivoire. Elles ne peuvent pas non plus voir les savoirs qu’elles ont créés enfermés sous des cadenas financiers et dès lors inaccessibles.

Jean-Claude MARCOURT

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