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J’écris ton nom. Liberté

Le traçage, tracing, tracking, bref la manière de suivre la propagation du virus pour la contenir au maximum, que ce soit par une application smartphone ou par contacts individuels opérés au départ d’un call center, a reposé la question de nos libertés. Ou, plus précisément, les atteintes à nos libertés. Quid en effet du respect de la vie privée ? Quid de la conservation des données, par qui, pendant combien de temps et avec quelles garanties ?

Combattre le coronavirus et assurer la santé de chacun est évidemment la priorité du moment. Et cela passe par des restrictions de toutes sortes. Mais encore faut-il être conscient de l’ampleur de ces restrictions. Pour les accepter ou pas, en toute connaissance de cause.

Pendant près de deux mois, nous avons accepté, comme si cela allait de soi, de restreindre notre liberté d’aller et venir et de ne plus voir qui nous voulions voir. Liberté qui est fondamentale dans une démocratie.

Nous avons accepté que nos enfants n’aillent plus à l’école, alors que l’école doit être un lieu d’apprentissage mais aussi d’émancipation, donc de liberté.

Nous l’avons fait parce que c’était nécessaire pour lutter contre la pandémie.

Chaque période d’insécurité – covid-19 aujourd’hui, risques terroristes hier – amène son lot de mesures exceptionnelles. Avec le risque que cela ne devienne vite des mesures d’exceptions.

Comment ne pas s’inquiéter quand on voit que, pour cause de distanciation sociale, toute une série de procédures judiciaires sont suspendues et cela au détriment des justiciables qui n’ont plus droit à un débat équitable et que, pire encore, le ministre de la Justice estime que ces dispositions nouvelles pourraient désormais s’appliquer, covid ou pas covid ?

Et ceci n’est pas un coup d’essai.

Rappelons-nous la tentative du duo Michel-Francken d’imposer des visites domiciliaires pour traquer les migrants et leurs complices ? Un recul de plus de 800 ans heureusement battu en brèche.

En 1198, les Liégeois obtenaient en effet du prince-évêque Albert de Cuyck, une charte qui les rendait « le peuple le plus libre du monde » et qui stipulait notamment que « Pauvre homme à Liège, en sa maison est roi ». Un mouvement pour les libertés que confirma, en 1316, la signature de la Paix de Fexhe, première charte constitutionnelle continentale (après la Magna Carta anglaise).

C’est le même gouvernement qui a élargi, sans plus beaucoup de limites, le recours aux écoutes téléphoniques et a prolongé, sans délais, l’archivage des fadettes – les données téléphoniques – qui permettent de savoir où et quand vous étiez. Et ne parlons pas de l’explosion du nombre de caméras de surveillance dans les rues, sans compter, moins contrôlé et contrôlable encore, le flicage « citoyen » par téléphones portables et réseaux sociaux interposés.

Ces reculs de nos libertés ne sont, parfois, que temporaires mais comme la marée descendante, la vague nouvelle ne revient jamais tout-à-fait à même hauteur que la précédente et grain de sable par grain de sable, ce sont nos libertés individuelles qui sont grignotées et rejetées à la mer.

Nous avons besoin de sécurité pour vivre, mais nous avons pareillement besoin de liberté. Et s’il est stupide d’opposer l’une à l’autre, il est dangereux de sacrifier l’une à l’autre. Comme socialiste, en tout cas, je m’y refuse et j’appelle chacune et chacun à ce que nous agissions consciemment, en toute connaissance de cause.

Pour illustrer mon propos, je vous invite à partager deux poèmes que m’inspire la question de la liberté.

Ils ont été écrits, à la même époque, alors que leurs auteurs combattaient l’un et l’autre pour la liberté et contre le nazisme.

Le premier est signé d’un pasteur allemand, Martin Niemöller, qui a été enfermé en camp de concentration de 1937 à 1945 :

« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.

Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit. Je n’étais pas social-démocrate.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit. Je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus me chercher. Il ne restait personne pour protester. »

 

Le deuxième (extrait de) poème est de Paul Eluard, extrait de Poésie et vérité, recueil clandestin écrit en 1942.

« Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

(…)

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

(…)

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté. »

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